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UN BIEN JOYEUX VILLAGE
Légende entendue dans la Sierra d’Iturbide
dans l’Etat de Nuevo León au Mexique
Voici ce qui est arrivé à un homme qui m’a
lui-même raconté cette histoire. Il m’a dit qu’un après-midi, lui et son ami,
allaient à cheval sur un chemin de la Sierra lorsqu’ils entendirent des rires
et des chansons. Tous deux s’arrêtèrent pour regarder derrière eux et se
rendirent compte que les chevaux devenaient nerveux. L’homme se souvint alors d’une
histoire fantastique et la narra à son ami mais celui-ci lui répondit que ce n’était
que pures mensonges car ce qu’ils étaient en train de voir était aussi réel qu’ils
l’étaient eux-mêmes. Le premier argua qu’ils avaient passé des milliers de fois
par ici et que jamais ils n’avaient vu ce village. C’est pourquoi ce qu’ils
voyaient maintenant ne pouvait être que l’œuvre du Diable lui-même. Son ami n’en
tint pas compte tant il était absorbé par les images qui s’offraient à ses
yeux.
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Rapidement, deux belles femmes s’approchèrent et,
de leur voix mélodieuse, les invitèrent à se joindre à la fête. Don Toño, qui m’a
raconté cette histoire, dit à son ami Pedro qu’il leur fallait s’éloigner et ne
pas écouter ces femmes. Cependant, Pedro descendit de cheval et marcha en
direction de celles-ci sans prêter attention aux conseils de son ami.
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Les femmes supplièrent Don Toño de les
accompagner également. Il fut à deux pas de céder à la tentation mais il se
ressaisit et mieux encore, s’enfuit à cheval, laissant derrière lui son ami,
ces visions surnaturelles et l’autre cheval. Alors qu’il était au loin, il
pouvait entendre la musique, les rires indécents et les appels des femmes. Et de
Pedro, il n’eut plus jamais de nouvelles.
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Le troisième jour, son cheval arriva seul et
affamé; il ne mangea rien, se laissant mourir de tristesse et de faim.
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Mais l’histoire ne se termine pas là... Selon les
dires de Don Toño, dès l’enfance il avait entendu parler de cette curieuse
légende de la bouche même de son grand-père. Le vieil homme disait que deux de
ses amis avaient vu ce même joyeux village et que tous deux avaient accepté l’invitation
des deux très belles femmes. Elles les conduisirent à la fête où se trouvaient
là des personnes de tous âges, mais point d’enfants. Parmi la foule, l’un d’entre
eux crut reconnaître un homme qui était porté disparu depuis de nombreuses
années mais il ne put l’assurer.
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La fête était une vraie orgie. Hommes et femmes
dansaient jusqu’à l’épuisement et tout le monde buvait du vin en grande quantité.
On offrit à ces derniers du vin. Lui refusa tandis que l’autre accepta. Il leur
fut aussi servi les plus appétissants mets qu’ils n’aient jamais vus jusqu’alors
mais il ne mangea point parce qu’il était vraiment effrayé. Ensuite, l’une des
femmes s’approcha de lui et tenta de le séduire mais sa peur était forte et il
ne succomba pas à la tentation bien que celle-ci fut grande, la femme
commençant à se dévêtir. Il fit montre cependant d’une grande volonté et cela
même alors qu’il voyait la manière dont son ami prenait simultanément du bon
temps avec les deux femmes et que d’autres s’adonnaient sans retenue au
plaisir.
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Au bout d’un moment, et en raison de la fatigue,
il s’endormit et s’éveilla au point du jour. Les chevaux étaient toujours là
mais il ne vit aucune trace de son ami ni du village qu’il avait cru avoir vu.
Il remonta à cheval et galopa jusqu’au ranch où il raconta son histoire à tout
le monde. Ils le crurent tous car, depuis toujours, on avait entendu parler d’hommes
et de femmes disparus en cette partie de la Sierra pour avoir vu un bien joyeux
village et avoir accepté les invitations que les gens de là-bas leur avaient
faites. On n’entendit plus parler de son ami. Il disparut de ce monde.
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Selon Don Toño, ce vieil ami de son grand-père
fut le seul qui réussit à ne pas rester prisonnier de cette vision surnaturelle
parce qu’il avait refusé de boire du vin, de manger un morceau et de s’adonner
aux plaisirs. En d’autres mots: n’ayant pas succombé à la tentation, il vécut
pour raconter tout ceci.
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Commentaire d’ Homero Adame sur la légende
intitulée
«Un bien joyeux village»
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Dans de nombreuses parties du monde ainsi qu’au
Mexique, on raconte des histoires de villages surnaturels qui n’apparaissent à
nos sens qu’en certaines occasions ou à une date donnée. Les mirages ou les
visions dans le désert du Sahara dans lesquels on parle de l’existence de
villages surnaturels ne se révélant à nos sens que tous les 100 ans en sont un
parfait exemple.
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Dans un contexte plus régional, on raconte que
sur un authentique chemin de la Sierra Madre Orientale, certains jours bien
déterminés, on peut entendre de la musique très mélodieuse mais aussi des voix
et des rires. Les sons semblent surgir de derrière ou sur la droite de celui
qui les perçoit. S’il ose se retourner, il verra qu’une véritable fête est en
train d’avoir lieu. Pour le cas où une personne serait à cheval, ce dernier se
montrera inquiet et voudra fuir, refusant d’obéir aux ordres de son cavalier si
celui-ci tente de se diriger vers la fête.
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Il est recommandé de ne pas regarder derrière
soi, d’ignorer les sons accueillants et de poursuivre de préférence sa route.
Toutefois, si la curiosité est grande, que la personne se retourne, qu’elle
assiste à la scène, voici ce qu’elle doit faire: s’éloigner immédiatement et ne
pas accepter les tentations qui lui sont offertes parce que, dans le cas
contraire, elle restera prisonnière de ce monde comme ceci est suggéré dans
cette version racontée par Don Demetrio Velázquez, au cours d’une promenade que
nous fîmes dans la Sierra.
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Vous pouvez lire et écouter cette légende ici:
Cette légende a été
publiée dans le livre d’ Homero Adame Mitos,
cuentos y leyendas de Nuevo León (Mythes,
contes et légendes de Nuevo León). Editorial Font. Monterrey, N. L. 2005.
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Légende recueillie
par Homero Adame
Relecture: Noële
Belluard-Blondel
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Notes:
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1. Musique utilisée comme fond
pour la narration:
In CD “Chamame” (Licence de distribution: CC BY
2.5)
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2. Musique d’ambiance à la fin de la piste:
*Senda. Titre: “La cuñadita”
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